Jérémie Deplanque, facteur de piano à Morre.
 

Les rencontres font quelques fois les vocations. « Je joue du piano depuis l’âge de 9 ans. Un jour ma mère me voulait présent lors de la venue de l’accordeur. Plutôt pédagogue, il m’a expliqué son travail et l’instrument. Un stage s’en est suivi chez lui. De là, mon choix d’orientation professionnelle était fait » décompose Jérémie Deplanque. Originaire du Nord, il est arrivé en Franche-Comté suite à un coup de cœur : « La découverte de la région nous a poussé à venir y vivre avec mon amie, devenue depuis mon épouse. Le métier de facteur, commencé sur Lille, permet de l’exercer ici. Une partie de ma clientèle étant sur Paris fait que le lieu n’est pas vraiment une barrière. »
 

Après des études à l’Itemm au Mans, école incontournable, un apprentissage en Dordogne suivi d’un brevet des métiers d’art à Lille, c’est en 2016 que Jérémie s’installe à son compte. « Mon maître d’apprentissage m’aura permis de travailler sur l’ancêtre du piano, le clavicorde si cher à Bach. L’autre atout fut un apprentissage avec des techniques artisanales en Dordogne, à l’ancienne : colle de poisson, cire… C’est d’ailleurs une partie de sa clientèle parisienne que j’ai récupérée à sa demande » confie Jérémie.
 

De belles rencontres pour un métier voué à l’accordage, le réglage, l’entretien, la restauration et la vente avant un jour la fabrication. « Aujourd’hui, on ne fabrique plus en France, alors pourquoi pas un jour ! Ça n’est pas original mais j’aime tout dans la facture de piano. La relation avec la clientèle est riche en échanges. Le travail de la mécanique certaines fois invite à des recherches empiriques. J'ai bien le livre – le marteau du piano –, précieux compagnon au quotidien, mais il a des limites. Investiguer sur la façon dont un piano a été construit est passionnant. En faisant, on découvre ».
 

Redonner vie à des émotions
 

Installé à Morre, avec un magasin à Besançon où il expose quelques restaurations, à visiter sur rendez-vous, Jérémie Deplanque le plus souvent accorde, harmonise, c’est-à-dire équilibre le timbre de l’instrument, entretien. Son quotidien est d'honorer le matin les rendez-vous chez ses clients, et l’après-midi d'évoluer dans son atelier. Atelier dans lequel le stagiaire, un autre Jérémie, décape et ponce. « La facture de piano demande de toucher à tout. On doit savoir composer. Un peu d’ébénisterie ou par exemple avec patience fabriquer lors de restauration des manches de marteaux. J'aime me rapprocher de l'original » énonce le médecin des pianos.
 

Au milieu de clés d’accordage, de règles de clavier, de coin automatique, de pics de marteau, Jérémie aime aussi transmettre d’où la présence de stagiaire. « Le savoir est porteur de responsabilité. Même si on apprend et se forme tous les jours, il est juste, si l’on peut, de donner. D’ailleurs, si j'ai un questionnement, j’appelle mes maîtres d’apprentissage. J’ai eu aussi l’occasion de donner quelques cours d’accordage au Mans. La transmission est un aspect intéressant. » Quelques pièces, des dons pour certains, sont en sommeil dans un coin de l'atelier avant que le facteur ne se penche sur eux : « quel bonheur de pouvoir faire de nouveau sonner un instrument dont l'histoire peut vous en apprendre beaucoup. »
 

Dominique Morize